Le travail ? Une vocation !

Le travail peut être ressenti comme une corvée ou comme un but en soi. La Bible s'intéresse à cette partie importante de la vie humaine.

Selon les parcours ou les circonstances de carrière, le travail peut être vécu de façons très diverses. Pour les uns, c'est un vecteur puissant de réalisation de soi, pour d'autres, il est comme la part «maudite» de l'existence. On le supporte alors avec pour seule espérance l'horizon incertain de la retraite. Et tandis que les «accrocs du boulot » cumulent récompenses matérielles et valorisation sociale, les «frustrés du travail» subissent à la fois le sentiment d'injustice et un quotidien dépourvu de sens.

Méprisable ou valeur suprême
Au fil des siècles, l'humanité tout entière a aussi connu bien des oscillations dans sa relation au travail, de l'aversion à l'addiction sans omettre différents stades intermédiaires... Réservé dans l'Antiquité à l'esclave puis assumé au Moyen-Age par le serf, le labeur a longtemps été considéré comme un joug méprisable, à l'opposé des occupations aristocratiques ou ecclésiastiques que l'on s'est longtemps disputées!

L'histoire récente a plus d'une fois porté le balancier à son autre extrême. Le travail a par exemple constitué l'une des valeurs suprêmes des régimes totalitaires qui ont endeuillé l'Europe au XXe siècle. C'est un tyran (Lénine) qui a décidé en 1920 de faire du 1er mai une journée chômée, et c'est un autre (Hitler) qui compléta la mesure en 1933, en décrétant que la journée chômée serait désormais payée!

On observe ainsi que chaque époque est affectée par une pathologie particulière dans sa conception du travail, au plan individuel comme au plan social. Les conséquences en ont souvent été très lourdes pour l'individu comme pour la société.

Nécessité ou appel
Sur la question du travail, l'héritage biblique tel que la Réforme du XVIe siècle l'a remis en valeur a rompu avec les conceptions du Moyen-âge et paraît conserver une remarquable actualité. Sur la base des écrits de l'apôtre Paul, Martin Luther puis Jean Calvin ont affirmé que tout travailleur (honnête) accomplit dans son travail, non pas une pesante obligation imposée par ses semblables mais une vocation, un appel, qu'il reçoit de Dieu lui-même. Par conséquent, tout travail séculier possède devant Dieu une valeur égale à celle des charges ecclésiastiques qu'on considérait jadis comme les seules dignes aux yeux de Dieu...

Cette conception du travail fait écho aux toutes premières pages de la Bible. Elles montrent un homme créé actif qui reçoit de Dieu la mission de mettre la création en valeur par son travail de cultivateur et d'éleveur. Cet enseignement biblique, trop souvent parcouru «en diagonale», doit être médité. Il fournit une base solide pour bâtir une vision du travail qui lui restitue son
entière et juste place dans la création de Dieu.

Trois déductions immédiates
1) Parce qu'il a le caractère d'une vocation reçue de Dieu lui-même, le travail ne doit pas être considéré avec le mépris que bien des civilisations lui ont réservé. Tâchons de résister à cette tentation ! Ce n'est pas par hasard qu'un si grand nombre trouve tant d'intérêt à l'activité professionnelle. L'appétit de l'argent n'explique pas tout : le travail de l'homme s'inscrit dans la
structure même de son être de créature.

C'est faire fausse route que d'accorder aux loisirs le rang de but suprême dans l'existence. Si le travail est vraiment une vocation, on ne travaille pas toute l'année dans le seul but de s'en affranchir par les congés que l'on programme dès le lendemain du Réveillon ! Bien sûr, même si le travail est beaucoup plus que l'emploi salarié, il faut être aussi conscient qu'il n'est pas le tout de la vocation humaine. Mais il en est une part majeure. C'est par son activité que l'homme prend sa pleine place dans la création de Dieu. Il contribue à sa mise en valeur, à la multiplication des richesses nécessaires pour lui-même comme pour ses semblables. Il entre ainsi avec eux dans une relation de coopération. Le fait que Dieu lui-même appelle tous les hommes à travailler éclaire d'un jour nouveau les responsabilités des employés comme celles des employeurs.

2) Dans ce cadre, restreindre l'intérêt du travail à l'argent qu'il permet, est une autre tentation bien de notre époque. Toute conception du travail qui ne regarde qu'au bas de la fiche de paie se situe très en-deçà de la perspective biblique. Certes, le travail est la façon par laquelle l'homme se procure le revenu qui lui permet de vivre, mais il est d'abord l'exercice d'une activité qui le met en relation avec la création et avec ses semblables, dans la dépendance du Créateur. Par son travail, l'homme est capable de ne pas être une charge pour autrui, comme le rappelle l'apôtre Paul, et de faire concourir ses forces et ses talents au service de ses proches et de ses prochains. Ainsi - et nous rejoignons là un débat actuel -, c'est avant toute chose dans le but de «rendre un meilleur service» à autrui que l'on peut se préoccuper, parfois, de travailler davantage...

3) Concluons en signalant que le travail, dès lors qu'il est accompli dans le cadre posé par le Créateur lui-même, est appelé à n'en pas déborder, à ne pas envahir les autres sphères légitimes de l'existence humaine (famille, amis, loisirs, spiritualité...).

Les premières pages de la Bible définissent la place éminente du travail mais elles prévoient aussi que celui-ci est borné. On lit au terme du récit de la création: «Dieu finit de créer le ciel, la terre et tout ce qu'il y a dedans. Le septième jour, … il se repose de tout le travail qu'il a fait».

Un peu plus tard, Dieu ordonne à l'homme: «Pendant six jours, travaille pour faire tout ce que tu as à faire. Mais le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, … ton Dieu.
Personne ne doit travailler ce jour-là» (1).

Le jour du repos placé en tête de la semaine dans le calendrier chrétien! L'institution du sabbat est un rappel salutaire pour tous ceux qui seraient tentés, en dépassant l'injonction de la Genèse, de jouer aux démiurges au lieu de s'en tenir au mandat reçu de celui qui les a créés...

Confondantes sagesse et actualité de la Bible!  Jacques Blocher

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Quand le travail est pénible...

Depuis que l'homme s'est détourné de Dieu et a été chassé du jardin d'éden, les conditions mêmes d'exercice du travail sont devenues pénibles. L'homme, dit le texte de la Genèse, gagne désormais son pain «à la sueur de son front». Le péché entache aussi les relations humaines à tous les niveaux, y compris au travail. Certains emplois paraissent rébarbatifs au point de sembler incompatibles avec la notion de vocation. Trois considérations à ce propos :

1 - On est souvent surpris, dans les faits, de constater que la pénibilité du travail est beaucoup mieux assumée par celui qui l'accomplit que par ceux qui en jugent. La fierté de l'ouvrier mineur, qui descend chaque jour dans le puits au péril de sa santé et parfois de sa vie, est quasi-proverbiale. Et la remarque vaut aussi assez largement pour le travail «posté» de l'ouvrier spécialisé. Le drame des anciennes ouvrières de Moulinex, dans l'ouest de la France, est bien celui de leur chômage d'aujourd'hui, et non celui des tâches répétitives exécutées autrefois.

2 - Souvent, les travaux les plus pénibles sont les plus utiles, même s'ils sont méprisés. La finalité de la tâche, son utilité et l'intérêt de bien l'accomplir sont alors dans bien des cas manifestes. Il peut par exemple s'agir du ramassage des ordures ménagères ou du maniement de certains outils de chantier (marteau-piqueur par exemple). La dimension de «service rendu» à la collectivité est souvent plus présente dans ce type d'emploi que dans d'autres fonctions mieux considérées. Reste la question des conditions de travail et de l'équité en matière de rémunération.

3 - La pénibilité du travail tient souvent surtout à la vie relationnelle propre au cadre professionnel. Le harcèlement sous toutes ses formes, l'injustice délibérément infligée, l'exercice illégitime de la contrainte sont autant de maux que les chrétiens ont vocation à dénoncer. La communauté qu'est l'Église a particulièrement vocation à accompagner ceux qui subissent de semblables offenses sur leur lieu de travail, soit pour les soutenir, soit pour les aider à se réorienter.
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1.  Genèse 2.2,3 Exode 20.9,10

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